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Cuisine entre 4 murs
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22 octobre 2007

En manque

J’ai faim.
Mais pas de nourritures terrestres, pour une fois.
Non, j’ai faim de beau. De bon. De tendre. De clair. De doux. D’harmonieux.
Toutes choses ici absentes. J’ai faim d’humain. Dimension ignorée, dimension qu’on a voulu briser.
Oscar Wilde, et Louise Michel, ont écrit sur la prison des textes poignants de noirceur, des cris effrayants et pathétiques... L’on pourrait penser qu’à l’aube du XXIème siècle, la prison a évolué. Non ! C’est toujours un abîme. Ces murs lépreux ruisselants de crasse, rongés par le salpêtre ; ces barreaux rouillés, calaminés, massifs, margeant le ciel ; ces couloirs lugubres, barrés de grilles, ces coursives où résonnent les pas des gaffes étalons de la médiocrité ambiante.
C’est laid. C’est désespérant.
Je ressens cette agression par le manque. Je ne peux que profondément mépriser ceux qui imposent cette laideur comme seule aune de mon temps ; ceux qui tolèrent ; heureusement, il y a les livres, et la télévision. Ma soif est telle que j’ai besoin d’images simples. Un champ, un enfant, un sourire... Le plus ringard des mélos apporte une touche de grâce, celle-la même qui manquait.
Je me surprends, tout-à-coup, à pleurer à chaudes larmes. Tristesse ? Sans doute... Mais, surtout, basculement soudain dans une autre dimension, un peu comme dans un film de science-fiction où l’espace se met à défiler, semblant engloutir le spectateur. Et là, c’est un déferlement, une sensation indicible...
Quelque chose qui trouve tout-à-coup sa place, cette impression de retrouver une part de soi qui manquait... Ou peut-être, tout simplement de savoir que ça existe toujours, qu’on y est toujours sensible... Un apaisement... Une simple image, un mot, suffisent à ouvrir les vannes. C’est incoercible. Je me retrouve, un livre à la main, ou les yeux fixés sur le téléviseur, avec le regard qui se brouille, les joues qui se mouillent...
Je suis sur le moment à la fois heureux et triste.
Apaisé.
C’est sans doute aussi pour ça que je soigne ma cuisine. Pour que ce soit beau. Harmonieux. Flatteur. Même pour moi tout seul, dans mes huit mètres carrés, je dresse mon assiette, plaçant la viande, la garniture, décorant d’un zeste d’orange, d’une tulipe de tomate ; je moule ma purée en quenelles, forme le fromage blanc à la cuiller.
Juste pour éprouver cet intense contentement : c’est beau, donc ce n’est pas d’ici.
L’esthétique est une forme de civilisation, le témoin de son évolution.
Une société, qui prive ceux qu’elle prétend soumettre à un traitement de réadaptation sociale (sic !) de l’esthétique, ne créera jamais que les barbares... qu’elle mérite ?

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